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5 HISTOIRE
5.1 Origines
Les Vietnamiens apparaissent pour la première fois dans l’Histoire à l’âge du bronze (civilisation Dông Son). Les tribus viets, qui vivaient disséminées dans le sud de la Chine et au nord du Viêt Nam, auraient formé des royaumes dès la fin du IIe millénaire. D’après la tradition, le royaume vietnamien de Van Lang a été fondé au cœur de la vallée du Sông Hông par une lignée de rois légendaires (Hông-Bang) qui régnèrent pendant des siècles. Les découvertes archéologiques ont confirmé son existence ainsi que le peuplement par les tribus viets des régions du delta du Sông Hông.
En 208 av. J.-C., sous la dynastie chinoise des Qin, le Van Lang est absorbé par le royaume d’Âu Lac qui doit se soumettre à son tour à un royaume « cantonais », le Nam Viêt.
5.2 Domination chinoise
En 111 av. J.-C., l’empereur Wudi s’empare du Nam Viêt qui est intégré à l’Empire chinois de la dynastie des Han. Les dirigeants chinois décident d’intégrer politiquement et culturellement à l’empire le Nam Viêt, devenu la province du Giao Chi. L’afflux d’immigrants répand l’usage du chinois, les coutumes, les techniques et provoque de violentes réactions de la part d’une partie de la population.
La révolte la plus célèbre a lieu en 39 av. J.-C., lorsque deux veuves d’aristocrates, les sœurs Trung, soulèvent le peuple contre les Chinois. Mais l’armée chinoise réprime finalement ce sursaut national et, en 43 apr. J.-C., le Nam Viêt est reconquis.
5.3 Dynasties nationales
La révolte des sœurs Trung inaugure la première d’une longue série d’insurrections antichinoises dans la région. Ce n’est qu’en 939 que les Vietnamiens, profitant des troubles politiques qui secouent la Chine, peuvent instaurer un État indépendant. La suzeraineté de la Chine est reconnue sous la forme d’un tribut et l’indépendance n’entraîne pas de rupture culturelle. Ly Thai-Tô (ou Ly Cong Uân) monte sur le trône au début du XIe siècle, établissant la dynastie des Ly qui régnera plus de deux cents ans (1010-1225).
Les Ly transfèrent la capitale à Thang Long (Hanoï) et l’État prend le nom du Dai Viêt. L’esclavage est aboli et le royaume se dote de provinces et d’une administration qui s’inspirent du modèle chinois. Le confucianisme, introduit dès le IIe siècle apr. J.-C., demeure le fondement philosophique des institutions politiques de l’État.
5.4 Expansion territoriale
Les successeurs des Ly sont les Trân (1225-1413). Au cours de ces deux siècles, le pays doit résister, au nord, aux attaques des Chinois et, au sud, aux assauts des Chams. Au XIIIe siècle, sous la dynastie des Yuan, l’Empire mongol conquiert la Chine et les armées de Kubilaï Khan attaquent le Dai Viêt par trois fois. Les Vietnamiens les repoussent de justesse à Bach Dang en 1288.
Pendant des siècles, le Dai Viêt est limité à la région du Sông Hông et aux plateaux adjacents. Le développement du pays l’amène à entamer une lente progression vers le sud, sur les territoires du royaume de Champa, la puissance dominante en Annam pendant un millénaire. Les Chams, indianisés, résistent longuement aux Vietnamiens jusqu’au XVe siècle. Mais, en 1471, la capitale cham, Vijaya, près de Ða Nang, est envahie par les troupes vietnamiennes, qui détruisent pratiquement le royaume.
Pendant plusieurs décennies, le Dai Viêt poursuit sa progression vers le sud, gagnant ainsi les plaines marécageuses du delta du Mékong. Les Vietnamiens y affrontent un nouvel ennemi, le royaume Khmer. Cependant, au XVIe siècle, ce royaume est sur le déclin et n’oppose guère de résistance à l’invasion vietnamienne. Vers la fin du XVIIe siècle, le Dai Viêt contrôle la zone inférieure du delta du Mékong et commence à progresser vers l’ouest, menaçant de transformer l’État khmer désintégré en un simple protectorat.
5.5 Dynastie des Lê
Tandis que l’avancée vietnamienne se poursuit au sud, le nord du pays doit faire face à de nouveaux défis. En 1407, les Chinois reprennent pied au Dai Viêt et, pendant deux décennies, la dynastie des Ming occupe le nord du pays en menant une politique de terreur qui lui aliène tout soutien populaire. En 1418, un seigneur du Thanh Hoa, Lê Loi, prend la tête d’une insurrection nationale et accule les Chinois, assiégés dans Hanoï, à signer la paix. Lê Loi monte sur le trône en tant que premier empereur de la dynastie des Lê.
Au XVIe siècle, la dynastie Lê commence à décliner. En effet, deux clans féodaux rivaux, les Trinh et les Nguyên, se disputent le pouvoir. Depuis 1620, les Nguyên ont pour capitale Huê. En 1627, les hostilités commencent et le Dai Viêt se trouve divisé en deux.
La rivalité entre le nord et le sud est encore exacerbée par les puissances européennes, nouvellement arrivées en Asie du Sud-Est avec la ferme intention de trouver de nouvelles richesses à exploiter et de convertir de nouvelles âmes au christianisme. Ainsi, des marins portugais ont débarqué en 1516 et, au XVIIe siècle, la Cochinchine est devenue une base marchande importante. Mais le succès des nouveaux arrivants effraie les dirigeants vietnamiens qui prennent des mesures de proscription contre les missionnaires et les marchands, comme en Chine et au Japon. Les hostilités entre les Trinh et les Nguyên cessent en 1674. L’appui des Portugais et le grand commerce maritime font de la Cochinchine, arrachée au Cambodge et annexée en 1698, la région la plus dynamique du Dai Viêt.
La dynastie des Lê s’effondre sous les coups de la grande révolte Tây Son. En 1771, les paysans du Binh Dinh, conduits par trois frères, les Tây Son, se révoltent et chassent les Nguyên. Dès 1778, l’aîné des trois frères, Nhac, se proclame empereur et prend le titre de Thai Duc. Au nord, les Trinh, en pleine décadence, cèdent également la place. Le plus jeune des trois frères Tây Son, Huê, monte sur le trône en 1788 sous le nom de Quang Trung. Il meurt peu après.
5.6 Colonisation française
C’est dans les années 1620-1630 que les premiers missionnaires français arrivent en Indochine. Le jésuite Alexandre de Rhodes organise une mission au Tonkin avant d’être expulsé pour avoir fait imprimer un catéchisme en écriture romanisée quôc ngu. La fondation de la Société des missions étrangères, en 1664, amplifie le mouvement. Lorsqu’en 1784 le prince Nguyên Anh se réfugie à Bangkok, il y rencontre Mgr Pierre Pigneau de Béhaine (1741-1799), vicaire apostolique de Cochinchine. Persuadé de l’intérêt d’aider le prince héritier, le prélat convainc Louis XVI de signer un traité d’alliance (1787) avec Nguyên Anh et revient avec des navires et une troupe de mercenaires. Son aide permet au jeune prince de battre ses adversaires Tây Son. En 1801, il s’empare de Huê et, en juillet 1802, il entre dans Hanoï et devient empereur sous le nom de Gia Long.
Le Dai Viêt est rebaptisé Viêt Nam en 1804. L’État, épuisé par des décennies de guerres, est restauré par Gia Long et ses successeurs : Minh Mang (1820-1840) et Thieu Tri (1840-1847). La fiscalité, la justice (code Gia Long de 1812), l’armée sont réformées et de grands travaux sont entrepris, comme le percement de la route mandarine reliant la frontière chinoise au Cambodge. Parallèlement s’opèrent les transformations annonciatrices des grands bouleversements que va connaître le Viêt Nam au XXe siècle. Les commerçants et les missionnaires français se réinstallent, mais des persécutions à leur encontre et contre les Vietnamiens convertis se multiplient.
Sous l’impulsion du ministre de la Marine et des Colonies, Chasseloup-Laubat, et des milieux catholiques, le gouvernement de Napoléon III décide une intervention. L’Espagne et la France attaquent alors Ða Nang (Tourane) en 1858 et s’en emparent. Mais un échec devant Huê amène les Espagnols à se retirer. En 1862, par le traité de Saïgon, la cour de Huê cède à la France plusieurs provinces dans le delta du Mékong, dont la Cochinchine orientale. En 1867, la totalité de la province est annexée par la France.
La IIIe République achève la conquête commencée sous le second Empire. Après deux échecs au Tonkin, en 1883, Huê et le delta du Sông Hông (fleuve Rouge) sont occupés, et deux traités sont signés en août 1883 et en juin 1884 : le Tonkin et l’Annam deviennent des protectorats français.
5.7 Gouvernement colonial et résistance
Hô Chí Minh UPI/THE BETTMANN ARCHIVE Le 9 juin 1885, par le traité de T’ien-tsin, la Chine doit, à son tour, reconnaître le protectorat français sur le Viêt Nam, après une guerre franco-chinoise qui marque les années 1884 et 1885. Les autorités françaises s’emploient à asseoir leur pouvoir et, en 1887, le Viêt Nam, le Cambodge (puis le Laos, en 1893) sont regroupés au sein d’une Indochine française confiée à un gouverneur général. Paul Doumer qui occupe cette fonction de 1897 à 1902 en étendit les pouvoirs. La France prend en charge les finances, perçoit les impôts au nom de l’empereur du Viêt Nam ; le Conseil des ministres est présidé par le gouverneur général plaçant l’empereur sous une tutelle complète. En même temps commencent l’exploitation et la mise en valeur économique du pays.
Les nationalistes vietnamiens, qui ont d’abord espéré une modernisation du pays sur un pied d’égalité, perdent vite leurs espoirs. La mise en valeur du pays ne profite qu’aux colons et à une clientèle chinoise et vietnamienne restreinte. Exclus à tous les échelons hiérarchiques de l’administration coloniale, les Vietnamiens ne bénéficient pas des libertés les plus élémentaires d’association et d’expression, malgré des réformes tardives qui sont toujours entravées par la société coloniale et l’administration.
Aucun exutoire politique n’est offert au peuple vietnamien, à l’inverse de l’Inde, par exemple, où les mouvements nationalistes peuvent s’exprimer. Ce verrouillage politique entraîne l’émergence de mouvements radicaux, nationalistes et révolutionnaires. Un premier groupe, qui se cristallise autour du Parti nationaliste du Viêt Nam, créé en 1927, souhaite un rapprochement avec la Chine de Jiang Jieshi. En 1930, le Parti communiste indochinois est fondé à Hong Kong, par le fils d’un lettré, Nguyên Ai Quôc, plus connu sous le nom d’Hô Chí Minh.
5.8 Occupation japonaise Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’action des groupes nationalistes ne rencontre qu’un écho limité. En septembre 1940, le Japon, aux prises avec la Chine, décide d’occuper militairement le Tonkin, tout en respectant la souveraineté française. Les Japonais sont très vite perçus comme de nouveaux occupants et non comme d’éventuels libérateurs. En décembre 1941, les troupes japonaises occupent le reste du pays. L’amiral Decoux continue de gouverner au nom de l’État Français (gouvernement de Vichy) jusqu’au 9 mars 1945.
Les cadres communistes qui ont échappé à la prison, comme Pham Van Dông et Vo Nguyên Giap, se réfugient à la frontière chinoise où ils retrouvent Nguyên Ai Quôc. En mai 1941, ils fondent le Front pour l’indépendance du Viêt Nam (Viêt Nam Doc Lap Dong Minh Hoi) ou Viêt-minh. Leur programme donne la priorité absolue à la reconquête de l’indépendance du Viêt Nam.
Louvoyant entre les Japonais et les Chinois du Guomindang, le Viêt-minh profite du coup de force japonais du 9 mars 1945 pour s’emparer des campagnes. Le 19 août 1945, le Viêt-minh s’installe à Hanoï et le 29 un gouvernement provisoire de libération nationale est formé avec comme conseiller suprême l’ex-empereur Bao Dai qu’on a pris soin de faire abdiquer quatre jours auparavant. Le 2 septembre 1945, l’indépendance de la « République démocratique du Viêt Nam » est proclamée par Hô Chí Minh.
5.9 Guerre d’Indochine
Roosevelt étant favorable à la décolonisation, le Viêt-minh pense profiter de la neutralité bienveillante des États-Unis. À la conférence de Potsdam, en juillet 1945, il a été décidé que Chinois et Britanniques désarmeraient les soldats japonais et occuperaient le pays jusqu’à un règlement. Mais la Grande-Bretagne, aux prises dans ses anciennes colonies avec les mêmes difficultés que la France, laisse les Français reprendre Saïgon. Dès le 24 mars 1945, une fédération indochinoise est instituée au sein de l’Union française ; elle comprend le Laos, le Cambodge, la Cochinchine, l’Annam et le Tonkin. L’arrivée, en octobre 1945, du général Leclerc permet de réoccuper Hanoï et de réaffirmer la souveraineté française sur l’ensemble du Viêt Nam.
Pendant plus d’un an, les Français et le Viêt-minh négocient. Le 6 mars 1946, par l’intermédiaire de Jean Sainteny, la France reconnaît la République démocratique du Viêt Nam comme un État libre au sein de l’Union française et de la Fédération indochinoise ; mais le haut-commissaire en Indochine, l’amiral Thierry d’Argenlieu fait proclamer à Saïgon, le 1er juin 1946, une république autonome de Cochinchine, amenant le général Leclerc à démissionner. De nouvelles négociations se déroulent à Fontainebleau entre les mois de juillet et de septembre 1946, mais elles échouent.
En novembre 1946, l’impasse est complète et la pression militaire française de plus en plus forte. Après l’assassinat de plusieurs Français à Haiphong (20 novembre), le bombardement de la ville par la flotte française (23 novembre) et la riposte des forces du Viêt-minh à Hanoï (19 décembre), la guerre entre dans une nouvelle phase.
Les troupes du Viêt-minh se retirent des villes et limitent leurs opérations à des actions de guérilla, menées par le général Giap tandis que les Français forment un gouvernement avec l’empereur Bao Dai (accords du 5 juin 1948 et du 8 mars 1949). À partir de 1950, le Viêt-minh, bénéficiant des stocks de l’armée du Guomindang offerts par la Chine populaire, monte des opérations plus ambitieuses et inflige des pertes sévères au corps expéditionnaire français, comme lors de la bataille de la route coloniale 4. Le redressement opéré à Hanoï, dans le delta tonkinois et à Hoa Binh, par le général de Lattre de Tassigny, en 1952, grâce notamment à la nouvelle aide américaine, n’est qu’un répit de brève durée. Le lent grignotage des positions françaises (dirigées par le général Salan, puis par le général Navarre) se poursuit jusqu’à l’ultime bataille de Diên Biên Phu (7 mai 1954).
Paris ne pouvant plus résister à la pression d’une opinion publique lassée par une guerre lointaine, le président du Conseil, Pierre Mendès France, et le représentant du Viêt-minh, Pham Van Dông, signent, à Genève, les 20 et 21 juillet 1954, les accords de cessez-le-feu. Le Viêt Nam est divisé en deux à la hauteur du 17e parallèle ; dans le nord, l’administration est attribuée à Hô Chí Minh, à la tête de la République démocratique du Viêt Nam, État communiste. Un protocole prévoit des élections générales dans la zone sud, occupée par l’armée française et les troupes vietnamiennes de Bao Dai, avant le mois de juillet 1956, afin de décider si le Viêt Nam doit être réunifié.
5.10 Partition du Viêt Nam L’évolution du régime sud-vietnamien aboutit à un nouveau conflit : la guerre du Viêt Nam. En juin 1954, Ngô Ðình Diêm est appelé au pouvoir par Bao Dai au poste de Premier ministre. Diêm place tous les membres de sa famille et sa clientèle à des postes clés. L’armée est épurée de ses éléments suspects, toutes les forces d’opposition neutralisées. Les sectes Cao Dai et Hoa Hao sont détruites et, par un référendum, Diêm se fait proclamer président de la république du Viêt Nam, le 23 octobre 1955, déposant Bao Dai.
Diêm refuse d’entériner les accords de Genève et déclare en 1957 que « la frontière des États-Unis passe par le 17e parallèle ». Le refus de Diêm de tolérer une opposition démocratique, son soutien à l’Église catholique dans un pays à majorité bouddhiste et taoïste, son népotisme, ainsi que son pouvoir de plus en plus dictatorial provoquent l’hostilité grandissante de la population.
L’ampleur de la répression décide les anciens combattants du Viêt-minh à reprendre la lutte armée en février 1959 ; un nouveau mouvement est constitué : les Viêt-công. Au printemps 1961, le Front national de libération du Viêt Nam du Sud (FNL) se faisant de plus en plus menaçant, Diêm recherche le soutien militaire actif des États-Unis. Le président Kennedy répond en envoyant plusieurs milliers de conseillers militaires.
À l’automne 1963, Diêm est renversé et exécuté sommairement lors d’un coup d’État organisé par le général Duong Van Minh. Le FNL profite de la confusion pour passer à l’offensive. À la suite d’un incident naval survenu en août 1964 dans le golfe du Tonkin, le président des États-Unis, Lyndon Johnson, persuadé que seule une intervention américaine directe peut empêcher l’effondrement du régime de Saïgon, ordonne le bombardement intensif et régulier du Viêt Nam du Nord et le déploiement des troupes américaines dans le Sud : la guerre du Viêt Nam commence.
L’intervention américaine pousse le Viêt Nam du Nord à intervenir de plus en plus au sud en envoyant ses meilleures troupes soutenir le Viêt-công. L’offensive du Têt, au cours des mois de janvier et de février 1968, ébranle profondément le régime de Saïgon, désormais dirigé par Nguy?n Van Thiêu.
L’administration américaine se rend compte qu’il n’y a pas de solution militaire ; au mois de mai 1968, des négociations s’ouvrent à Paris, entre Américains et Vietnamiens. La mort de Hô Chí Minh, en septembre 1969, et son remplacement à la tête du Parti par Lê Duan, un autre chef historique du Viêt-minh, n’interrompent pas le processus entamé. Le nouveau président des États-Unis, Richard Nixon, poursuit la politique de Johnson : retrait progressif des unités américaines et « vietnamisation » de la guerre. Cependant, le conflit s’étend au Cambodge (1970), n’amenant aucun gain militaire significatif, mais provoquant de nouvelles attaques aériennes et de nouveaux bombardements de la part des Américains.
Parallèlement, les négociations continuent, grâce à l’action de Henry Kissinger et de Lê Duc Tho. Le 27 janvier 1973, Américains et Vietnamiens signent les accords de Paris. Ceux-ci prévoient le retrait total des troupes américaines et de nouvelles élections générales dans le Sud. Mais le gouvernement Thiêu refuse l’application des accords et reprend les combats, persuadé que les États-Unis interviendront en cas de menace grave. En 1975, des opérations préliminaires de l’armée populaire et des Viêt-công étant restées sans réponse de la part des États-Unis, une offensive généralisée met fin en huit semaines à un conflit vieux de seize ans : le 30 avril 1975, Saïgon tombe aux mains des communistes.
5.11 République socialiste du Viêt Nam
En 1976, le Viêt Nam réunifié forme une nouvelle République socialiste du Viêt Nam et la ville de Saïgon est rebaptisée Hô Chí Minh-Ville. Mais la fin de la guerre ne signifie pas pour autant la fin des conflits. Le problème majeur des communistes vietnamiens est de réussir le passage du communisme de guerre au communisme de paix. Le projet échoue en raison des oppositions internes et externes.
Dès 1976, les tensions aux frontières avec le gouvernement du Cambodge, dont Pol Pot est le Premier ministre, s’aggravent. Le harcèlement perpétuel des Khmers rouges, soutenus par les Chinois, décide les Vietnamiens à resserrer leurs liens avec l’URSS. Le 25 décembre 1978, le Viêt Nam lance son armée à l’assaut du Cambodge. En trois semaines, le pays est occupé et les opposants aux Khmers rouges installent un gouvernement provietnamien. La Chine, inquiète de voir le Viêt Nam s’affirmer comme la seule puissance régionale en Indochine, décide à son tour d’intervenir. Le 17 février 1979, les troupes de l’armée chinoise attaquent au nord. Les divisions d’élite vietnamiennes les contiennent, mais les régions frontalières subissent de gros dégâts. Le conflit s’arrête au mois de mars 1979.
Sur le plan intérieur, l’occupation du Cambodge, la guerre avec la Chine, la disette et la collectivisation de l’économie aggravent l’exode qui a commencé en 1978. Limité d’abord aux catholiques et aux Hoa (les Chinois du Viêt Nam), le mouvement gagne toutes les couches de la société : de 1978 à 1984, 400 000 personnes auraient fui le pays, dont la majorité par la mer dans des conditions très périlleuses ; ils ont été surnommés les boat people.
Isolé, victime d’un blocus de la part de la Chine, des États-Unis et de leurs alliés, le Viêt Nam doit se livrer à un difficile exercice : rester une démocratie populaire en adaptant son système économique à une économie de marché. Le processus ne démarre réellement qu’en 1986, à la mort de Lê Duan. Une génération de cadres favorables aux réformes économiques arrive au pouvoir et instaure la politique du Dôi moi (« Renouveau »), prônant une véritable rénovation de l’État et de l’économie, inspirée de la perestroïka. Le processus s’accélère encore en 1988 avec la promulgation d’un Code des investissements étrangers, le développement de l’entreprise familiale et la neutralisation de nombreux cadres conservateurs du parti.
La nouvelle Constitution adoptée en 1992 renforce le rôle du Parti communiste, tout en ouvrant davantage la voie aux réformes économiques. La législation, nouvellement mise en place, autorise les citoyens à créer des entreprises privées et l’État entreprend la liquidation de nombreuses entreprises publiques. Dans les campagnes, les familles obtiennent la jouissance des terres (mais pas la propriété). Cette politique de restructuration permet de ramener l’inflation, qui tourne autour de 700 p. 100 en 1986, à un taux annuel de 15 p. 100. En 1992, le pays se dote d’un nouveau chef de l’État : Lê Ðuc Anh qui gouverne avec Vo Van Kiet, Premier ministre, et Do Muoi, secrétaire général du Parti communiste.
Sur le plan diplomatique, l’évacuation du Cambodge par l’armée vietnamienne, en 1989, desserre l’étau dans lequel est pris le pays. Les chefs d’État européens et asiatiques restaurent alors leurs liens diplomatiques avec le Viêt Nam et les entreprises étrangères, attirées par les bas salaires, commencent à s’y implanter. En 1994, les États-Unis lèvent leur embargo économique et leur veto concernant l’octroi, par le Fonds monétaire international et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, d’emprunts pour la reconstruction du Viêt Nam. Les relations diplomatiques sont rétablies entre les deux pays en janvier 1995 et complètement normalisées en août de la même année. Membre de l’Ansea depuis juillet 1995, le Viêt Nam est en train de redevenir une puissance du Sud-Est asiatique.
Mais ses relations avec la Chine demeurent très tendues en raison d’un différend au sujet de plusieurs archipels, notamment les îles Spratly et Paracel, dans la mer de Chine méridionale, présentant un intérêt économique (hydrocarbures) et stratégique (contrôle du trafic maritime entre le Proche-Orient et l’Extrême-Orient). Cependant la lutte entre conservateurs et réformistes au sein du Parti communiste vietnamien contribue à ralentir le développement du pays. Les réformistes Trân Duc Luong et Phan Van Khai sont nommés en septembre 1997, respectivement chef de l’État et Premier ministre, tandis qu’en décembre Lê Kha Phieu, partisan d’un ralentissement du rythme des réformes économiques, accède à la tête du Parti communiste vietnamien. Le faible développement économique du pays, qui reste majoritairement sous le contrôle de l'État, empêche la spéculation financière, mais le pays subit le contrecoup de la crise asiatique.
En novembre 1997, des révoltes dans les provinces de Thai Binh et du Dong Hai opposent les villageois aux cadres du parti accusés de corruption. Le général Trân Dô, issu de la vieille garde communiste, prend la tête d'un mouvement qui milite pour des réformes politiques et pour le progrès économique. En janvier 1999, il est exclu du Parti communiste. En novembre 2000, Bill Clinton effectue une visite officielle au Viêt Nam en compagnie de sa femme et de sa fille. Il est le premier président américain à s’y rendre depuis la fin de la guerre, contribuant ainsi de manière décisive au processus de réconciliation entre les États-Unis et le Viêt Nam. En avril 2001, après le limogeage du général Lê Kha Phieu, le IXe congrès du Parti communiste vietnamien porte à sa tête Nong Duc Mahn qui s’engage à lutter contre la corruption et à poursuivre les réformes économiques. |
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