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5 HISTOIRE
5.1 Les premiers peuples autochtones
Indiens Micmacs Avant l'arrivée de Jacques Cartier, en 1534, la région qui correspond à l'actuel Nouveau-Brunswick était peuplée d'Indiens Micmacs (peinture du XVIe siècle).National Gallery of Canada, Ottawa À la fin de l’époque glaciaire, à la suite d’une série de mouvements migratoires, des populations mongoles venues d’Asie ont pénétré en Amérique du Nord, probablement en traversant le détroit de Béring, et se sont disséminées sur le continent nord-américain et jusqu’en Amérique du Sud. Elles vivaient de la chasse, de la pêche et de la cueillette ; dans les régions plus chaudes, elles pratiquaient également l’agriculture. Les groupes variaient de quelques familles à plusieurs centaines de personnes. Dans les zones plus fortement peuplées, ces groupes étaient organisés en tribus, voire en confédérations de tribus.
Le principal groupe d’Amérindiens était celui des Algonquins, constitué de tribus de chasseurs nomades, telles que les Crees et les Naskapis dans la région subarctique orientale, les Abnakis (ou Abénakis) et les Micmacs dans les régions boisées de la côte orientale. Par la suite, les Algonquins se dirigeaient vers l’ouest, où les Outaouais, les Ojibwés, les Pieds-Noirs, les Crees de la Plaine et d’autres tribus parcouraient les prairies à la recherche de bisons. Les tribus de langue iroquoise — les Hurons et les Iroquois — s’établissaient comme cultivateurs dans la vallée du Saint-Laurent et autour des lacs Ontario et Érié ; elles possédaient une organisation tribale hautement développée.
Les Salishans et les Athabascans occupaient des villages de pêcheurs, le long des rivières de l’actuelle Colombie-Britannique. Sur la côte du Pacifique, les tribus du groupe des Salishans, tels les Bellacoolas, les Tinglits, les Haïdas, et les tribus apparentées de langue wakashan — les Kwakiutls et les Nootkas — possédaient une riche culture, fondée sur la pêche au saumon, qui s’exprimait dans des totems de bois sculpté et de somptueux étalages de richesses. Dans la région subarctique occidentale, le groupe des Athabascans — Carriers, Dogribs et autres — menait une existence de chasseurs primitifs semblable à celle des Algonquins. De petits groupes isolés d’Inuits développaient une culture particulière, centrée sur la chasse au phoque et au caribou, qui leur permettait de survivre dans l’environnement rigoureux de l’Arctique.
5.2 L’arrivée des Européens
5.2.1 Les premières explorations
Les premiers Européens à atteindre l’Amérique du Nord sont probablement les colons islandais du Groenland. Selon les sagas islandaises, Leif Eriksson débarque dans le Vinland — quelque part le long de la côte Atlantique nord — vers 1000 apr. J.-C. Des découvertes archéologiques tendent à prouver que ces peuples nordiques auraient alors établi des comptoirs à Terre-Neuve et dans le Labrador. Cependant, aucun élément matériel ne permet de corroborer la thèse selon laquelle ils auraient pénétré profondément à l’intérieur des terres.
5.2.2 Les découvertes du XVe au XVIIe siècle Une deuxième vague d’explorations européennes, entre 1480 et 1540, établit fermement l’existence d’un Nouveau Monde dans les esprits européens. La plupart des explorateurs, avec l’appui de leur gouvernement, cherchent un passage maritime au nord-ouest afin d’accéder aux richesses de l’Asie ; aussi considèrent-ils le continent canadien comme une découverte potentiellement utile, mais aussi comme un obstacle.
En 1497, le voyage à Terre-Neuve de Jean Cabot, un Vénitien au service du roi Henri VII d’Angleterre, inspire une nouvelle série d’explorations et sera à l’origine des prétentions anglaises sur le Canada. À la même époque, les Portugais établissent une colonie au Cap-Breton. Puis, en 1524, l’explorateur Jean de Verrazane dresse les premières cartes de la région, qu’il nomme Nouvelle-France.
Entre 1534 et 1542, le Français Jacques Cartier découvre le golfe du Saint-Laurent, accoste sur la péninsule de la Gaspésie, puis remonte le fleuve et prend possession du territoire, au nom de François Ier. Il ne parvient cependant pas à trouver le passage du Nord-Ouest, en direction de l’Asie. Jacques Cartier explore de nouveau la région jusqu’à Terre-Neuve et Hochelagas, le site de la future Montréal. La région, très poissonneuse, devient une source de richesse pour les flottes de pêche anglaises, françaises, espagnoles et portugaises, qui exploitent régulièrement le Grand Banc, au large de Terre-Neuve.
L’intérêt des Anglais et des Français pour le Canada se ravive à la fin du XVIe siècle, essentiellement pour des raisons commerciales. Les explorateurs anglais sir Martin Frobisher dans les années 1570, et Henry Hudson en 1610 et 1611, continuent à chercher, en vain, un passage vers l’Asie. De plus, les intérêts des pêcheurs anglais, dans les années 1630, ont paralysé pratiquement les tentatives de colonisation de Terre-Neuve.
5.3 Les premiers comptoirs français
5.3.1 Le système des monopoles
Les Français ont plus de succès. En effet, le gouvernement, attiré par les nombreuses richesses naturelles que recèle le territoire, et motivé par la perspective de la construction d’un empire au sein du Nouveau Monde, décide d’agir par le biais de monopoles commerciaux qui, en contrepartie du contrôle du commerce des fourrures, encouragent la colonisation.
Un monopole octroyé à Pierre de Gua, sieur de Monts, en 1603, établit des comptoirs commerciaux en Acadie (correspondant aujourd’hui au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Écosse) et sur le Saint-Laurent. En 1608, Samuel de Champlain, un explorateur engagé par de Monts, fonde la ville de Québec ; il devient le principal organisateur de la colonisation française.
Champlain parvient à convaincre Richelieu, ministre de Louis XIII, de l’importance de l’Amérique du Nord pour l’établissement de la puissance française dans le monde et pour son développement économique. Ainsi, en 1627, Richelieu met sur pied la Compagnie de la Nouvelle-France ou des Cent-Associés, qui possède le monopole du commerce et dont l’objectif est de fonder un centre puissant de civilisation française au sein du Nouveau Monde.
5.3.2 Les relations avec les Amérindiens
Pendant deux siècles et demi, des facteurs géographiques cantonnent les colons européens à des régions assez limitées de l’actuel Canada, si bien que les relations entre les colons et les Amérindiens sont placées sous le signe du commerce (principalement celui des fourrures) plutôt que de la conquête. Cependant, de nombreuses tribus indiennes sont détruites au contact des colons. En effet, ces tribus subissent des épidémies (notamment de variole) et sont victimes de l’alcool, que les négociants en fourrures utilisent à la fois comme article de commerce et comme moyen de s’assurer leur soumission.
5.4 L’organisation de la Nouvelle-France
5.4.1 Le commerce et les explorations
Administrée par la Compagnie des Cent-Associés, puis par la Communauté des Habitants (1645-1663), en échange du monopole de la traite des fourrures, la nouvelle colonie française s’établit le long du Saint-Laurent et s’organise en seigneuries. L’émigration est encouragée, portant la population à environ 2 000 colons en 1666. Hardis, témoignant d’une grande capacité d’adaptation et tenaces, nombre d’entre eux se lancent dans le commerce lucratif des fourrures qui est centralisé. De nouvelles colonies sont fondées, notamment Trois-Rivières en 1634 par Champlain, et Ville-Marie (Montréal) en 1642 par Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve. L’exploration de terres intérieures se poursuit sous l’impulsion des trappeurs. Deux d’entre eux, Pierre Radisson et Médard Chouart, sieur des Groseilliers, parcourent, dans les années 1650, la région située à l’ouest du lac Supérieur.
Canada au début du XVIIe siècle La colonisation de la région correspondant au territoire actuel du Canada a été l'enjeu de rivalités entre la France et l'Angleterre. Au XVIIe siècle, ce furent les Français qui organisèrent la colonie de la Nouvelle-France.© Microsoft Corporation. Tous droits réservés. La colonie s’organise progressivement ; ainsi, au Québec (région qui revient à la France en 1632, par le traité de Saint-Germain, après une courte période d’occupation anglaise), le Conseil de Québec, élu par ses habitants, s’occupe de la gestion, de l’administration et du commerce.
5.4.2 Le rôle de l’Église catholique
L’influence religieuse des Français se développe. Il est interdit aux protestants, déjà réprimés en France (révocation de l’Édit de Nantes), de s’installer dans la nouvelle colonie. L’Église catholique, en revanche, joue un rôle prédominant. Des ordres catholiques (tels que les récollets dès 1615, les jésuites, les ursulines et les sulpiciens) sont chargés de maintenir et de diffuser la foi. En 1659, un vicaire apostolique, l’évêque François de Laval-Montmorency, de formation jésuite, prend la direction des missions et entreprend la fondation de paroisses. L’Église devient ainsi de plus en plus influente dans le monde colonial. Sa mission est également de faire revenir sur le « droit chemin » des colons vivant selon les principes indiens (au moins les deux tiers de la colonie dans les années 1660).
5.4.3 Le conflit avec les Iroquois
La survie de la Nouvelle-France est cependant incertaine, en raison de la guerre quasi continuelle avec la confédération des Iroquois. Dès 1608, Champlain s’est allié aux Algonquins et aux Hurons, ouverts aux activités missionnaires et principaux fournisseurs de fourrures. Mais cette alliance irrite les Iroquois, rivaux traditionnels des Hurons et fournisseurs de fourrures pour les Néerlandais de la Nouvelle-Amsterdam (voir New York). Après avoir brutalement ravagé le territoire huron au nord du Saint-Laurent en 1648 et en 1649, les Iroquois se tournent contre la Nouvelle-France elle-même.
5.4.4 L’organisation de la colonie
En 1663, Colbert, ministre de Louis XIV, réorganise la Nouvelle-France en l’intégrant au domaine royal. L’administration est alors partagée entre un gouverneur, un évêque et un intendant qui gouverne avec l’aide d’un Conseil souverain. Sur le plan économique, le commerce canadien est octroyé à un nouveau monopole, la Compagnie française des Indes occidentales. La défense est améliorée par l’arrivée, en 1665, d’un régiment français — celui de Carignan-Salières —dont de nombreux soldats s’installent définitivement dans le pays. De plus, la menace iroquoise est levée, même si des attaques sporadiques se poursuivent tout au long du XVIIe siècle.
Le gouverneur du Canada, Louis de Buade, comte de Palluau et de Frontenac, encourage également la poursuite des expéditions. Celles de Louis Jolliet et du père Jacques Marquette conduisent à l’exploration du Mississippi (1673) et celles de Robert Cavelier de La Salle, à l’acquisition de la Louisiane (1682).
Jean Talon, intendant de Colbert entre 1665 et 1672, s’attache à faire de la Nouvelle-France une colonie prospère : il réorganise son administration et rivalise avec les colonies anglaises. Il fait venir de nouveaux colons, jusqu’à atteindre, en 1675, une population de près de 8 000 habitants. Il tente également de diversifier l’économie au-delà du commerce des fourrures et établit des relations commerciales avec l’Acadie, les Antilles et les Indes occidentales.
À l’époque de la colonisation française, l’occupation des terres s’étend jusqu’aux alentours du Saint-Laurent ; l’agriculture et le commerce des fourrures, organisé par les coureurs des bois, deviennent des activités économiques prépondérantes. Cependant, la situation se complique en 1670, avec la fondation de la Compagnie de la baie d’Hudson par les Anglais. Celle-ci, qui a obtenu les droits sur toutes les terres de la baie d’Hudson, joue un rôle crucial dans le maintien d’une présence britannique dans le nord et le centre du Canada au cours des deux siècles qui suivent.
5.5 Les rivalités anglo-françaises
Siège de Louisbourg La forteresse française de Louisbourg, en Nouvelle-Écosse, fut assiégée par les Anglais en 1758. À la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, la colonie est l’enjeu des rivalités coloniales entre l’Angleterre et la France ; tout comme l’Europe, l’Amérique du Nord se transforme en champ de bataille. Le Québec sera occupé par les Anglais entre 1629 et 1632 et l’Acadie, entre 1654 et 1667. Les colonies anglaises qui se développent le long de l’océan Atlantique sont donc cernées par l’Acadie et la Nouvelle-France au nord, et par l’expansion française dans la vallée du Mississippi. Dans le même temps, les Français se sentent menacés, entre la Compagnie de la baie d’Hudson qui domine le nord du Canada, et les colonies anglaises au sud.
Ainsi, pendant la majeure partie du XVIIe siècle, les terres canadiennes sont l’objet de conflits perpétuels entre Anglais et Français, qui culminent avec la guerre de la ligue d’Augsbourg, en Europe. Celle-ci oppose la France à l’Angleterre, l’Espagne, les Provinces-Unies, les principautés allemandes et la Suède ; elle s’achève par le traité de Ryswick, en 1697, qui porte un coup à la puissance française et à son impérialisme. Cependant, les hostilités reprennent et, en 1701, éclate la guerre de Succession d’Espagne. En 1710, les Britanniques reprennent l’Acadie, qui leur est cédée officiellement par le traité d’Utrecht (1713) ; les Français cèdent également Terre-Neuve et la région de la baie d’Hudson. À partir de 1713, la Nouvelle-France entre dans une période de prospérité.
En 1740, l’Europe est à nouveau déchirée par une guerre, celle de la Succession d’Autriche. La forteresse de Louisbourg tombe aux mains des Britanniques (avant d’être rendue à la France par le traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748). Les intendants tentent, en vain, d’accentuer la colonisation, mais de 1700 à 1760, à peine 5 000 Français émigrent.
Parallèlement à ces conflits militaires, les autorités britanniques confisquent les biens des francophones d’Acadie et organisent leur déplacement forcé. Cette période est baptisée « le Grand Dérangement ».
Quand en 1756, commence la guerre de Sept Ans, les forces en présence sont supérieures, en nombre, aux Britanniques. Le marquis de Montcalm engage la guerre avec succès, mais après une série de victoires (Fort Carillon, en 1758), il subit de graves défaites, dont celle de la bataille des plaines d’Abraham (1759) devant Québec, où il trouve la mort en même temps que son vainqueur, le général Wolfe.
Les efforts du successeur de Montcalm, le chevalier de Lévis, et du dernier gouverneur Vaudreuil ne peuvent éviter à Montréal de se rendre en 1760, date également de la capitulation de la Nouvelle-France. Tous ces gains territoriaux sont confirmés par le traité de Paris (1763) qui met un terme à la guerre de Sept Ans ; la Nouvelle-France passe sous administration britannique. La France perd donc toutes ses possessions en Amérique du Nord, excepté Saint-Pierre-et-Miquelon |
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