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5 HISTOIRE
5.1 La préhistoire
Les premiers vestiges attestant la présence de l’Homo erectus en Chine remontent au paléolithique inférieur. Il s’agit du Sinanthropus lantianensis, mis au jour à Xi'an (Shaanxi), et du Sinanthropus pekinensis, ou « Homme de Pékin », datant de 460 000 av. J.-C., découvert par l’archéologue suédois Johan G. Andersson (1874-1960) en 1922 à Zhoukoudian (Choukoutien), dans la banlieue sud-ouest de la capitale chinoise.
C’est par étapes que les peuples de langue et de culture chinoises se sont fixés sur le territoire de l’actuelle Chine. Au néolithique, la riziculture et la domestication du buffle semblent acquises. Au nord, dans l’actuelle province du Henan, existe alors une communauté agraire, la culture de Peiligang (6500-5000 av. J.-C.). Au sud, les fouilles de Xianrendong (Jiangxi) ou de Zengpiyan (Guangxi) ont révélé la présence d’ossements, de céramiques et d’outils datant également de la période néolithique.
Quelque cinq siècles plus tard, des sociétés agricoles se développent dans le bassin du Huang he. Deux d’entre elles se distinguent par leur importance et par la qualité de leurs céramiques. La culture de Yangshao (v. 4500-v. 2500 av. J.-C.) rayonne à l’ouest de la Chine (Gansu, Shaanxi, Shanxi, Henan) et à l’est (Henan, Hebei, Shandong, Jiangsu). La culture de Longshan (v. 2500-v. 1800 av. J.-C.), dans le Shandong, issue de celle de Dawenkou (5000-2200 av. J.-C.), profite des acquis de cette dernière et fonde les premiers sites urbains connus.
Après une période de transition, la tradition chinoise évoque le règne de souverains légendaires comme Pangu, Fuxi ou Huangdi. Ceux-ci auraient ensuite laissé place à des dynasties semi-mythiques, comme celle des Xia (2205-1766 ou 1989-1558 av. J.-C.), dans le Shanxi, fondée par Yu le Grand (Dayu). Mais la première dynastie avérée par l’Histoire est celle des Shang, sous laquelle l’écriture chinoise se développe.
5.2 Premières dynasties
5.2.1 La dynastie Shang (XVIIIe-XIIe siècle av. J.-C.)
Vase rituel ancien (Chine) Des fouilles archéologiques ont permis de découvrir des armes, des outils et de la vaisselle de bronze datant de la dynastie Shang (XVIIIe-XIIe siècles av. J.-C.). Ceux-ci, à l'image de ce vase rituel guang, témoignent de l'existence d'une métallurgie sophistiquée.THE BETTMANN ARCHIVE/Corbis La dynastie Shang ou Yin règne sur le nord et le centre de la Chine (Grande Plaine du Nord, Shanxi, Shaanxi, Hubei, Anhui). À partir de 1384 av. J.-C. environ, la capitale est établie à Yin, près d’Anyang, non loin de la frontière nord du Henan. L’économie est essentiellement agricole (mil, blé, orge, riz, élevage). Des armes, des outils et de la vaisselle de bronze retrouvés à l’occasion de fouilles archéologiques ont révélé l’existence d’une métallurgie assez sophistiquée.
La Chine des Shang est une société féodale fortement hiérarchisée en classes (aristocratie guerrière, religieux, paysannerie). Les seigneurs guerriers, qui reçoivent leur fief du souverain, s’engagent à assister celui-ci dans ses entreprises militaires. Les religieux, qui sont aussi des lettrés, s’occupent de l’administration, participent au gouvernement et pratiquent des divinations très élaborées sur des os ou des écailles de tortues.
Les rois Shang rendent un culte à leurs ancêtres royaux et à une multitude de dieux, dont le principal est Shangdi, le « Seigneur d’en haut ». L’écriture se compose alors de 3 000 signes. Au XIe siècle, les Shang sont renversés par les attaques d’une cité vassale, qui fonde la dynastie Zhou.
5.2.2 La dynastie Zhou (XIe siècle-221 av. J.-C.)
5.2.2.1 Les Zhou occidentaux
Originaire de la vallée du Wei he, la dynastie Zhou établit sa capitale à Hao, près de Xi'an (Shaanxi). Il y a d’abord l’époque des Zhou dits « occidentaux » (1027-771 av. J.-C.), qui règnent sur la moitié nord de la Chine et sur la vallée du Yang-tseu-kiang. Mais l’immensité du royaume et l’état primitif des communications empêchent les Zhou occidentaux d’exercer et de centraliser leur pouvoir. Vers le Xe siècle av. J.-C., des mutations d’ordre social et politique se dessinent. Le pouvoir royal ne joue bientôt plus qu’un rôle d’arbitre entre des principautés aux mains d’une noblesse héréditaire.
La société Zhou reste profondément rurale (élevage, riz, sorgho, haricots, fruits, etc.). La terre est répartie en parcelles carrées divisées en neuf parties égales. Les huit parcelles extérieures sont attribuées à huit familles paysannes, qui associent leurs efforts et leurs ressources pour cultiver la parcelle centrale, dont la récolte est destinée à la noblesse. Ce système est considéré par les dynasties suivantes comme le mode de répartition le plus juste des terres arables.
5.2.2.2 Les Zhou orientaux
Les Zhou gardent le contrôle effectif de leur territoire jusqu’en 771 av. J.-C. À cette date, des soulèvements éclatent, favorisant l’invasion de tribus venues de l’ouest. Chassés, les Zhou établissent une nouvelle capitale dans l’est, à Luoyang (Henan). C’est l’époque des Zhou dits « orientaux » (770-221 av. J.-C.). Désormais à l’abri des attaques barbares, les souverains ne peuvent bientôt plus exercer d’autorité politique ou militaire sur leurs États vassaux, dont beaucoup se sont agrandis au point de devenir plus puissants qu’eux. Néanmoins, ils restent, aux yeux de tous, détenteurs d’un « mandat du Ciel ». Ainsi légitimés dans leur autorité politique, ils continuent à investir les seigneurs du pouvoir de gouverner leurs terres. La dynastie peut ainsi se maintenir jusqu’au IIIe siècle av. J.-C.
La fin de l’ère Zhou se subdivise en deux périodes : celle des « Printemps et des Automnes » ou Chunqiu (722-481 av. J.-C.) et celle des « Royaumes combattants » ou Zhanguo (475-221 av. J.-C.).
Du VIIIe au IIIe siècle av. J.-C., un rapide essor économique s’accompagne de transformations sociales, dans un contexte d’extrême instabilité politique et de guerres quasi incessantes.
C’est à cette époque que la Chine entre dans l’âge du fer, en 513 av. J.-C. La charrue à soc de fer tirée par un bœuf, et l’amélioration des techniques d’irrigation autorisent de meilleurs rendements agricoles, et donc un accroissement de la population. La croissance démographique s’accompagne d’une production accrue de richesses et donne naissance à une nouvelle classe de négociants et de commerçants. Les découvertes scientifiques se multiplient (tables de multiplication, astronomie, etc.).
Ce développement économique permet aux souverains locaux de contrôler progressivement de plus grandes étendues de territoire. Les États vassaux, situés aux marges du monde chinois, s’étendent aux dépens des peuples voisins non chinois. Cette expansion leur permet d’enrichir et de diversifier leur propre culture. Ils apprennent notamment, au contact des peuples du nord-ouest, à former des unités de cavalerie. En revanche, pour les États vassaux du centre de la Chine, l’expansion ne peut se faire qu’en empiétant sur d’autres États de même civilisation, et cette uniformité engendre une stagnation culturelle. Ainsi, dès le VIe siècle av. J.-C., sept royaumes puissants entourent les royaumes plus petits et plus faibles de la Grande Plaine du Nord.
Avec le déclin de l’autorité politique des Zhou et l’émergence de nouveaux États à la périphérie du territoire, les relations s’enveniment. À la fin du Ve siècle av. J.-C., la Chine vit une période de luttes féodales incessantes entre les différents États (Qin, Han, Zhao, Chu, Yan, Qi, Wei) connue sous le nom de « Royaumes combattants »
5.2.2.3 Confucianisme et taoïsme
Mencius Philosophe et écrivain, Mencius a élaboré et renouvelé sur plus d'un point le confucianisme. Contrairement à son maître, qui avait insisté sur les idées de justice et de vertu, Mencius accordait à l'économie politique une place primordiale et pensait que la morale ne commence qu'une fois la panse remplie. C’est au cours de cette longue période d’instabilité que naissent les grandes écoles de pensée de la philosophie chinoise, qui exercent une influence majeure sur le développement de la civilisation et sur l’État chinois durant les deux millénaires suivants.
Le premier, et de loin le plus influent des philosophes de cette époque, est Kongfuzi, connu en Occident sous le nom de Confucius. Fils instruit du gouverneur de l’État de Lu (actuel Shandong), issu de la petite noblesse, il représente la classe naissante des gestionnaires et des conseillers de cour dont l’aristocratie au pouvoir a besoin pour gérer l’administration intérieure et les relations inter-États. Confucius propose une restauration des institutions sociales et politiques des premiers Zhou, estimant que ces sages souverains ont cherché à établir une société idéale par l’exemple de leur vertu personnelle. C’est pourquoi il veut créer une classe de gentilshommes vertueux et cultivés, capables de prendre en charge les fonctions les plus hautes du gouvernement et de diriger le peuple, tout en se donnant en exemple. Il s’appuie sur une morale selon laquelle une pensée juste aboutit à une attitude juste, apanage du junzi, ou « homme bien né », être à la fois droit, beau et bon. Par la suite, Mencius et Xunzi (v. 298-v. 238 av. J.-C.) reprennent et développent les théories de Confucius.
Une autre école de pensée politique fleurit et pèse durablement sur la civilisation chinoise : celle des « légistes ». Partisans d’une centralisation poussée à l’extrême, ces légistes entendent substituer aux coutumes et aux droits hérités du passé une réglementation pénale uniforme pour chaque aspect de l’activité humaine. Afin de pouvoir appliquer ce système, ils souhaitent l’établissement d’un État riche et puissant, où l’autorité du souverain serait incontestée. Ils réclament la socialisation du capital, la création de monopoles d’État et d’autres mesures économiques destinées à enrichir l’État, à renforcer sa puissance militaire et à centraliser le pouvoir administratif. Les principaux représentants de ce courant de pensée sont Shang Yang, Li Si, réformateur de l’État des Qin, et l’écrivain Han Fei.
Situés à l’opposé des moralistes confucéens et des légistes, les taoïstes sont à l’origine d’un courant de pensée toujours vivace en Chine. Selon leur philosophie, chaque progrès technique ne peut être qu’une étape de plus dans la perte des vertus naturelles de l’Homme et toute institution, un progrès de l’asservissement de l’être humain. Les deux textes fondateurs furent le Daodejing, ou « Classique de la voie et de sa vertu », dû à Lao-tseu, et le Zhuangzi, écrit par Zhuangzi.
5.3 Naissance de l’Empire
Au cours du IVe siècle av. J.-C., le royaume des Qin, l’un des États du nord-ouest, entreprend un programme de réformes administratives, économiques et militaires inspirées par l’un des principaux théoriciens du légisme, Li Si. En 256 av. J.-C., il absorbe celui des Zhou, ou, du moins, ce qu’il en reste. À partir de 230 av. J.-C., il soumet un à un les autres royaumes chinois (Han, Zhao, Chu, Yan, Qi, Wei), sous l’impulsion du jeune roi Qin, Ying Zheng.
5.3.1 La dynastie Qin (221-206 av. J.-C.)
Grande Muraille de Chine Dans le nord de la Chine, la Grande Muraille s'étend, sur plus de 6000 km, depuis le golfe du Bohai à l'est, jusque dans la province du Gansu à l'ouest. Destinée à empêcher les incursions barbares venues du Nord, elle fut commencée sous la période Chunqiu (VIIIe-Ve siècles av. J.-C.) de la dynastie Zhou, continuée par Qin Shi Huangdi (221-210 av. J.-C.) et terminée sous les Ming (XIVe-XVIIe siècles apr. J.-C.). Elle comporte une tour tous les 200 m et mesure entre 3 et 8 m de haut. En 221 av. J.-C., Zheng se proclame Qin Shi Huangdi, ou « Premier Auguste Souverain de la dynastie Qin ». Cette dynastie va donner son nom à la Chine.
Durant son règne (221-210 av. J.-C.), le premier empereur transforme un ensemble hétéroclite d’États quasi féodaux en un empire administrativement centralisé et culturellement unifié, dont la capitale se situe à Xianyang, à proximité de l’actuelle Xi’an. Les aristocraties héréditaires sont abolies et leurs fiefs divisés en provinces, dont l’administration est confiée à des gouverneurs directement nommés par l’empereur.
L’écriture est normalisée et son usage rendu obligatoire dans tout le pays. Pour favoriser le commerce intérieur et l’intégration économique, Shi Huangdi unifie les poids et mesures, la monnaie et la longueur des essieux (qui détermine la distance entre les ornières sur les routes).
Leur quête d’une uniformité culturelle pousse les dirigeants à bannir toutes les écoles de pensée qui ont fleuri à la fin des Zhou. Seul le légisme, qui a un statut officiel, est autorisé. En 213 av. J.-C., des confucéens sont enterrés vivants, tandis que leurs livres et ceux des autres écoles philosophiques interdites sont brûlés, à l’exception des volumes de la bibliothèque impériale.
Soldats de Qin Shi Huangdi, premier empereur de Chine Les 6 400 fantassins (grandeur nature) et leurs chevaux, trouvés dans la sépulture du premier empereur de Chine, Qin Shi Huangdi (221-210 av. J.-C.), ont été modelés individuellement, probablement à partir de sujets réels. Les têtes et les mains furent cuites séparément puis assemblées aux corps. L'ensemble des silhouettes était recouvert d'une peinture brillante à base de pigments minéraux, dont il ne subsiste que peu de traces. Cette sépulture fut découverte en 1974. Shi Huangdi cherche également à étendre son royaume. Au sud, ses armées atteignent le delta du Sông Hông (fleuve Rouge), au Viêt nam. Au sud-ouest, l’empire s’étend à la plus grande partie des actuelles provinces du Yunnan, de Guizhou et du Sichuan. Au nord-ouest, il s’avance jusqu’à Lanzhou, dans l’actuelle province du Gansu. Au nord-est, une partie de la Corée doit prêter allégeance à l’Empire. Cependant, le centre de la civilisation reste dans le bassin du Huang he. Outre l’unification et l’expansion territoriale de la Chine, Shi Huangdi fait achever la construction de la Grande Muraille contre les invasions barbares.
À sa mort, en 210 av. J.-C., il est enterré dans un vaste mausolée près de Lintong (à 35 km de Xi’an). Ce site, mis au jour depuis 1974 (le tumulus où se trouve la tombe de Shi Huangdi lui-même n’ayant pas encore à ce jour été exploré), renferme une armée de terre cuite de plus de 6 000 soldats (grandeur nature), avec leurs chevaux et leurs chars de combat.
Mais les conquêtes militaires, la construction de routes et de ports, la Grande Muraille et d’autres grands travaux ont eu un coût financier et humain considérable. Une fiscalité de plus en plus lourde, la conscription obligatoire et le travail forcé inspirent un ressentiment profond dans la population à l’encontre du régime Qin, notamment dans les royaumes conquis, comme le royaume Chu dans le sud. De plus, l’empereur s’est aliéné les lettrés par une politique totalitaire de contrôle de la pensée, symbolisée notamment par les autodafés.
Après sa mort, son fils cadet Ying Huhai lui succède. Il prend le titre de Ershi Huangdi, mais tombe rapidement sous l’influence d’un eunuque du palais. Une lutte pour le pouvoir s’ensuit, qui paralyse l’administration centrale et indigne la population. Des révoltes éclatent. Ershi Huangdi, contraint au suicide (207 av. J.-C.), ne peut éviter l’écroulement de l’Empire.
5.3.2 Les Han antérieurs (206 av. J.-C.-9 apr. J.-C.)
Les trois dernières années de la dynastie Qin, marquées par des troubles et la guerre civile, voient l’émergence d’un chef rebelle, d’origine modeste, Liu Bang (voir Gaozu des Han). Après avoir éliminé les prétendants au trône, Liu Bang se proclame empereur de Chine en 206 av. J.-C. et fonde la dynastie des Han occidentaux (Xihan), ou antérieurs (Qianhan). La capitale est établie à Chang’an (actuelle Xi'an).
5.3.2.1 L’héritage
Les Han bâtissent leur empire sur les bases unitaires établies par Shi Huangdi. Mais ils abrogent les lois les plus contraignantes et allègent les impôts les plus impopulaires. L’empereur Liu Bang (202-195 av. J.-C.) commence par octroyer des royaumes à certains de ses anciens alliés et à des membres de sa famille. Cependant, au milieu du IIe siècle av. J.-C., la plupart de ces royaumes sont repris par son fils, Wendi (180-157 av. J.-C.), et l’ensemble de l’empire est directement soumis à l’autorité impériale.
Les Han favorisent la renaissance du taoïsme et adoptent le confucianisme en tant qu’idéologie officielle. Néanmoins, désireux de le rendre universel, les Han y incorporent des idées empruntées à d’autres écoles de pensée, afin de compléter l’enseignement laissé par Confucius et ses disciples. L’administration, héritée des Qin, est très hiérarchique, mais ils nomment les fonctionnaires sur la base du mérite plutôt que de la naissance, suivant là un principe confucéen. La sélection et la qualification reposent sur des examens écrits. À la fin du IIe siècle av. J.-C., une université impériale est créée pour enseigner aux futurs fonctionnaires les cinq classiques de l’école confucéenne.
5.3.2.2 Wudi le conquérant
La dynastie des Han antérieurs connaît son apogée sous le règne de Wudi (140-87 av. J.-C.). La quasi-totalité de la Chine actuelle est soumise à l’ordre impérial, même si de nombreuses régions, notamment au sud du Yang-tseu-kiang, ne sont pas encore complètement assimilées. L’autorité chinoise est établie au sud de la Mandchourie et au nord de la Corée. À l’ouest, les armées Han combattent les tribus nomades Xiongnu et Xianbei, peut-être apparentées aux Huns. Elles s’avancent jusqu’à la vallée du fleuve Iaxarte (actuelle Syr-Daria, au Kazakhstan), ouvrant ainsi la célèbre « route de la Soie ». Au sud, elles conquièrent l’île de Hainan et fondent des colonies autour du delta du Xi jiang ainsi qu’en Annam et en Corée.
Seulement, l’expansionnisme de Wudi épuise les réserves financières laissées par ses prédécesseurs et nécessite un retour au légisme pour renflouer le Trésor public. Les impôts sont majorés, les monopoles d’État restaurés et la monnaie dévaluée. Les souffrances endurées par les paysans sont aggravées par la croissance démographique qui réduit la superficie des exploitations, alors que les taxes augmentent. Les familles de grands propriétaires fonciers, défiant les collecteurs d’impôts du gouvernement central, acquièrent une sorte d’exonération fiscale. Au fur et à mesure que le nombre de ces « non-imposés » croît, l’assiette fiscale de l’empire diminue. Le fardeau supporté par les ruraux soumis à l’impôt se fait de plus en plus lourd. Les révoltes paysannes se multiplient et le banditisme se développe.
5.3.3 La dynastie Xin (9-23 apr. J.-C.)
Au cours de cette période de troubles et de désordres, un courtisan ambitieux, Wang Mang, dépose l’empereur, alors enfant, dont il assume la régence. Il crée la dynastie éphémère des Xin et tente de restaurer la puissance du gouvernement impérial et d’alléger le fardeau des paysans. Il lutte, notamment, contre les grandes propriétés exemptées d’impôts. Celles-ci sont confisquées au profit du domaine impérial et redistribuées aux paysans qui les cultivent. L’esclavage est aboli, les monopoles impériaux sur le sel, le fer et la monnaie renforcés, et de nouveaux monopoles établis. Mais la résistance des propriétaires est si forte que Wang Mang se voit contraint d’annuler sa réforme du régime foncier. La crise agraire s’intensifie, avec la détérioration progressive des systèmes de contrôle de l’eau mis en place dans la Chine du Nord, où une violente insurrection paysanne éclate, en 23 apr. J.-C., sous la conduite des « Sourcils rouges ». Ces derniers reçoivent bientôt l’aide des grands propriétaires, qui prennent d’assaut Chang’an et parviennent à tuer l’usurpateur Wang Mang. La dynastie Han est alors rétablie.
5.3.4 Les Han postérieurs (23-220)
Le prince Liu Xiu (23-55 apr. J.-C.), qui deviendra plus tard Guang Wudi, fonde la dynastie des Han postérieurs (Houhan), ou Han orientaux (Donghan). Leur capitale est Luoyang. Au Ier siècle apr. J.-C., la Chine poursuit son extension vers l’ouest. Les Chinois, qui contrôlent la route de la Soie (grâce aux actions entreprises contre les Xiongnu et les tribus Wuhuan, Xianbei et Qiang par les généraux Ma Yuan et Ban Chao), développent un commerce actif avec les peuples barbares d’Occident. C’est par eux que le bouddhisme est introduit en Chine. Dès leur accession au pouvoir, les Han postérieurs souffrent de la faiblesse et de l’inefficacité de l’administration impériale. Comme sous les Han antérieurs, le gouvernement est miné par l’existence d’empereurs encore enfants et par le népotisme des familles impériales. Les empereurs finissent par s’en affranchir grâce aux eunuques du palais, qui gagnent ainsi en autorité et en influence. Le gouvernement est alors déchiré par des querelles intestines entre factions rivales et des luttes de pouvoirs. Entre 168 et 170, fonctionnaires et eunuques s’affrontent, les premiers reprochant aux seconds d’avoir usurpé leur fonction légitime. En 184, deux révoltes éclatent, menées par des sectes taoïstes. L’une, celle des « Turbans jaunes », ravage le Shandong et les provinces voisines. L’autre, la « Société des cinq boisseaux de riz », au Sichuan, n’est matée qu’en 215 par le général Cao Cao.
5.3.5 La division (220-581)
5.3.5.1 Le démembrement et le sursaut
L’empire des Han commence à s’effondrer lorsque les familles de grands propriétaires fonciers, profitant de la fragilité du gouvernement, constituent leurs propres armées. Le pays se fragmente en trois États et entre dans la période dite des « Trois Royaumes », (qui a inspiré de nombreux romans, opéras et récits populaires). En 220, Cao Pi, fils de Cao Cao institue la dynastie des Wei (220-265) dans le bassin du fleuve Jaune, avec pour capitale Luoyang. La dynastie Shu-Han (221-263) règne dans le sud (capitale Chengdu) et la dynastie Wu (222-280) dans le sud-est (capitale Jiankang, aujourd’hui Nankin). Ces trois royaumes se livrent une guerre incessante.
En 263, le royaume Wei s’empare de son voisin Shu. Deux ans plus tard, Sima Yan (265-289), puissant général du royaume Wei, usurpe le trône et fonde, dans le nord, la dynastie des Jin occidentaux (265-316). En 280, il réunit sous son autorité le nord et le sud. Mais peu après sa mort, en 290, l’unité du pays s’effondre de nouveau, en raison notamment de l’influence des familles de grands propriétaires. Ces derniers jouent de leur pouvoir par l’intermédiaire du système de classement en neuf grades, établi le plus souvent arbitrairement, par lequel les personnages importants de chaque région administrative classent les familles et les individus selon les services qu’ils rendent à l’État.
Les tribus nomades et barbares, que les Han ont réussi à maintenir aux frontières, profitent de l’occasion pour étendre leurs zones de pâturage à la Grande Plaine du Nord. Les invasions débutent en 304. La Chine du Nord est rapidement submergée et, en 316, les tribus nomades chassent les Jin, qui s’installent à Nankin où ils fondent une nouvelle dynastie (dite des Jin orientaux). Pendant environ trois siècles, le nord du pays est soumis à une ou plusieurs dynasties non chinoises.
5.3.5.2 Trois siècles et deux Chine
Au IVe siècle, la Chine est donc séparée en deux. Dans le Nord, c’est l’époque des « Seize Royaumes des Cinq [ethnies] Barbares » (Shiliu guo). Le territoire, très morcelé, a été envahi par plusieurs peuples barbares (Xianbei, Di, Jie, Qiang), avant de passer sous la domination partielle des Xiongnu en 304. Aucune de ces dynasties étrangères ne parvient à dominer la totalité de la Grande Plaine du Nord avant 420, date à laquelle l’ensemble de la région passe sous la domination de la dynastie des Wei du Nord (386-534), fondée par les tribus Tuoba, de fervents bouddhistes.
Au cours de la seconde moitié du Ve siècle, les Wei du Nord, dont la capitale est Pingcheng (aujourd’hui Datong), adoptent une politique de sinisation. La population rurale est soumise à une administration bureaucratique, sur le modèle des dynasties chinoises précédentes. Un service militaire obligatoire est imposé aux tribus. Les coutumes et l’habillement chinois sont adoptés, et le chinois devient langue officielle de la cour. Cette politique de sinisation se heurte à une vive résistance des chefs des tribus nomades. Leur rébellion (révolte des Six Garnisons, vers 525) provoque la chute de la dynastie des Wei du Nord en 534. Pendant les cinquante ans qui suivent, le Nord retombe aux mains de dynasties non chinoises.
La Chine du Sud, où se sont réfugiés les Jin occidentaux, voit se succéder cinq dynasties chinoises successives, formant avec la dynastie des Wu (222-280) les Six Dynasties du Sud (selon une dénomination couramment adoptée) : Jin orientaux (317-420), Liu-Song ou Song (420-479), Qi (479-502), Liang (502-557), Chen (557-589). La capitale, qui se trouve à Jian Kang ou Jianye (Nankin), devient un important carrefour culturel.
5.4 Rétablissement de l’Empire
5.4.1 La dynastie Sui (581-618)
La Chine retrouve son unité avec la dynastie des Sui, qui a succédé, en 581, dans le Nord, aux héritiers des Tuoba. Son fondateur, le général Yang Jian, conquiert le sud de la Chine et établit sa capitale à Chang’an (Xi'an). Les Sui restaurent le système administratif centralisé des Han et les concours officiels pour le recrutement des fonctionnaires. Bien que le confucianisme est la doctrine officielle, le taoïsme et le bouddhisme sont également reconnus par le régime dans sa formulation d’une nouvelle idéologie impériale. Le bouddhisme, déjà implanté, se répand rapidement et supplante progressivement le confucianisme.
La dynastie Sui règne sur une courte période, mais connaît une grande activité. La Grande Muraille est restaurée, au prix de nombreuses vies humaines. Un système de canaux, qui formera plus tard le Grand Canal, est construit afin de transporter l’abondante production agricole du delta du Yang-tseu-kiang jusqu’à Luoyang et dans le nord. L’Empire rétablit sa domination sur le nord du Viêt nam et, dans une moindre mesure, sur les peuples d’Asie centrale. Une campagne militaire longue et coûteuse, menée contre un royaume situé au sud de la Mandchourie et au nord de la Corée, se conclut néanmoins par une défaite en 616. Son prestige terni, sa population appauvrie, la dynastie Sui est renversée en 617 par une révolte intérieure commandée par Li Yuan qui fonde la dynastie Tang. Connu sous le titre posthume de Gaozu des Tang, il règne de 618 à 626.
5.4.2 La dynastie Tang (618-907)
La dynastie Tang constitue une période de puissance et de prospérité culturelle sans précédent dans l’histoire de la civilisation chinoise. Le système des examens impériaux utilisé pour le recrutement des fonctionnaires est encore amélioré (il reste en vigueur jusqu’au XXe siècle). Les organes des gouvernements impériaux et locaux sont restructurés, afin de former une administration centralisée. Un code élaboré de droit administratif et pénal est appliqué. La capitale, Chang’an, devient un centre culturel, cosmopolite et religieux rayonnant sur tout le royaume. De nombreuses religions et courants de pensée sont pratiqués (christianisme nestorien, islam, bouddhisme, manichéisme, entre autres). De nouvelles relations commerciales se développent avec l’Asie centrale et l’Occident le long des routes empruntées par les caravanes. À Canton (Guangzhou), de nombreux marchands venus du Proche-Orient pratiquent le commerce maritime. Sous les Tang, l’influence chinoise s’étend à la Corée, au sud de la Mandchourie et au nord du Viêt Nam. À l’ouest, ils prennent le contrôle du bassin du Tarim et leur influence s’étend jusqu’à l’actuel Afghanistan.
5.4.2.1 Le système administratif
La puissance économique et militaire de l’empire Tang repose sur un système d’égale répartition des terres entre la population mâle adulte. L’impôt agricole payé par chacun des bénéficiaires de cette répartition constitue la principale recette fiscale du gouvernement. La milice, dans laquelle les Chinois doivent effectuer un service périodique, constitue la base du pouvoir militaire du régime. Cependant, l’État continue à exonérer d’impôts certaines grandes propriétés et à attribuer de vastes étendues de terre à des privilégiés.
Au VIIIe siècle, en raison de la croissance démographique, les paysans bénéficiant des terres allouées par l’État reçoivent des parcelles de plus en plus réduites, tout en continuant à payer le même impôt. De nombreux paysans s’enfuient, réduisant par la même occasion les recettes fiscales de l’État et dépeuplant les forces armées. Un système de commanderies est alors établi le long des frontières, et la défense confiée à des troupes et des chefs militaires non chinois.
5.4.2.2 La révolte d’An Lushan
Les premiers empereurs Tang, dont Li Shimin (600-649), connu sous le titre posthume de Taizong des Tang, sont des monarques compétents. Mais le brillant Xuanzong s’éprend de la courtisane Yang Guifei, beaucoup plus jeune que lui, et néglige les devoirs de sa charge. Yang place ses amis et des membres de sa famille à des postes importants de l’appareil d’État. L’un de ses favoris est An Lushan, un général d’origine turco-sogdienne habile et ambitieux. En 755, celui-ci provoque une rébellion, s’empare de Luoyang et se proclame empereur. Il est finalement assassiné par son fils en 757.
La paix ne revient cependant qu’en 763, grâce à des alliances passées avec des tribus d’Asie centrale. Après la rébellion d’An Lushan, la dynastie des Tang ne retrouve jamais son prestige et sa puissance passés. Le pouvoir perd notamment le contrôle des commanderies militaires établies aux frontières. Certaines d’entre elles deviennent des royaumes héréditaires et s’attribuent les impôts perçus pour le gouvernement central. Ce système de commanderies s’étend à quelques régions de l’intérieur. Au IXe siècle, l’État ne contrôle plus réellement que l’actuel Shaanxi.
Les dernières décennies de la dynastie des Tang sont marquées par un important essor culturel, encouragé par l’impression des livres, qui favorise l’unité de la culture chinoise. Ainsi les poètes Li Bai, Du Fu et Bo Juyi et le grand prosateur Han Yu (768-824) apparaissent, alors que le processus de déclin politique est déjà entamé.
La croissance sociale et économique permet de préserver l’unité du pays pendant ces années de fragmentation politique. Des guildes d’artisans, l’usage du papier-monnaie et une forte centralisation commerciale se développent à la fin de la dynastie.
5.4.2.3 Les persécutions religieuses
Le bouddhisme connaît une très grande popularité au cours des années pacifiques et prospères des premiers Tang. Mais, vers la fin de leur règne, le recul du bouddhisme est associé à un renouveau du confucianisme. Une classe de fonctionnaires lettrés, principalement confucéens, se développe alors. Ceux-ci considèrent le bouddhisme comme une force néfaste à la société chinoise, notamment en raison de sa puissance économique. En 845, un décret proscrit toutes les religions étrangères. La même année, l’empereur lui-même entreprend une persécution à grande échelle des bouddhistes. Plus de 4 600 monastères et 40 000 temples et autels sont détruits, tandis que 260 000 moines et moniales environ sont contraints de retourner à la vie séculaire.
5.4.3 Les Cinq Dynasties (907-960)
La chute des Tang entraîne une dispersion du pouvoir politique et économique. La Chine connaît alors une courte période de division, dite période des Cinq Dynasties. Cinq dynasties éphémères se succèdent au nord de la Chine, dans la vallée du Huang he, et dix États indépendants se créent, la plupart dans le Sud. Durant cette période, la dynastie Liao (907-1125) des Mongols Khitans (peuple nomade toungouse), établie en Mandchourie et en Mongolie, étend son influence sur les régions situées au nord du Hebei, du Shanxi et du Shaanxi. Pékin devient la capitale méridionale de leur Empire sino-khitan. |
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